L'HISTOIRE DES JUMMAS
L'HISTOIRE DES JUMMAS
1. Des peuples autonomes, protégés et isolés jusqu’aux années 1960
Les documents et les recherches manquent encore pour savoir ce qui s’est passé dans les Chittagong Hill Tracts avant la colonisation anglaise. Les rares écrits sur la question admettent que la région a été peuplée, par épisode, de populations très mobiles migrant entre l’Himalaya, les montagnes birmanes et la Chine et pratiquant l’agriculture sur brûlis. Les premiers groupes à arriver pourraient être les populations appartenant linguistiquement au groupe Kuki-Chin rattaché aux langues tibeto birmanes (Lushai, Pankhu, Mru, Khyang, Khumi)[1]. Les populations des autres ethnies présentes aujourd’hui arrivent ensuite et sont sans doute présentes dès le XVI° siècle. La carte du portugais J. de Barros[2] au milieu du XVI° siècle, fait mention dans la région des Chittagong Hill Tracts des Chakomas mais la démonstration n’est pas faite qu’il s'agisse des Chakmas.
A partir du XVIII°les faits sont mieux connus. Lorsque la compagnie des Indes impose sa loi dans la province du Bengale, les rois Chakmas exercent leur autorité sur les peuples indigènes de la région. En 1777, la tension devient très vive avec les anglais et, après une guerre de 10 ans, le roi Chakma Jan Baksh Khan reconnaît la souveraineté de la Compagnie des Indes sur les Chittagong Hill Tracts. Moyennant une redevance versée, lui et ses successeurs administrent à leur guise la région sans que les britanniques n’interviennent dans leurs affaires intérieures.
En 1857, la couronne Britannique prend en main l’administration directe de ses colonies indiennes et crée en 1860 un district séparé des Chittagong Hill Tracts. En 1900, l’autorité britannique précise les modalités et la réglementation de l’administration de cette région dans le « Chittagong Hill Tracts régulation Act ». Ce texte consacre la large autonomie accordée aux Jummas sous la direction de leurs chefs et la part essentielle de leurs institutions traditionnelles. La région est dotée d’un statut particulier qui en fait une « exluded area ». Il limite strictement la possibilité pour les populations « non tribales » de venir s’y installer[3].
Ce texte réglementaire est un moment essentiel. Il fixe pour longtemps la situation de cette région et de ses populations et inspirera beaucoup des réglementations ultérieures. Si l’autonomie et la protection sont un indéniable avantage aux yeux des Jummas, ce statut contribue aussi à les isoler et à les priver des routes, des équipements scolaires et sanitaires dont bénéficie alors le reste du Bengale et de ce qui pourrait permettre de mettre en valeur leur territoire.
Qu’allait-il advenir des Chittagong Hill Tracts avec l’indépendance de l’Inde en 1947 ?
Les Britanniques, et tout particulièrement lord Mountbatten, souhaitaient tracer au plus vite les frontières des deux États issus de la décolonisation, compte tenu de l’extrême tension qui opposait musulmans et hindouistes. Une commission, présidée par Lord Ratcliffe fut chargée de dessiner les contours des deux Etats. Le travail se fit dans une grande précipitation et dans le secret. Face à l’incapacité de mettre d’accord les deux parties, Lord Ratcliffe, qui connaissait très peu l’Inde, imposa ses arbitrages. Le 12 août, 3 jours avant la proclamation de l’Indépendance, la commission finit par achever son travail tout en gardant le secret sur ses conclusions. Nehru et Pattel apprirent cependant que les Chittagong Hill Tracts avaient été rattachés au Pakistan ce qui provoqua leur colère et les mis en contradiction avec les promesses faites aux populations Jummas pour la plupart bouddhistes ou parfois hindouistes. Mais il convenait de ne pas gâcher la fête. Les conclusions de la commission ne furent pas rendues publique. Le 15 août, jour de l’Indépendance, dans l’ignorance du sort qui leur était réservé, les habitants de Rangamati hissaient le drapeau indien[4]. Quand le tracé des frontières est enfin rendues publiques le 18 août[5] la surprise est totale pour les populations des Hill tracts et provoque de vives protestations. Le 21, l’armée Pakistanaise intervient pour rétablir l’ordre et imposer le drapeau pakistanais.
On sait qu’en bien des régions où les populations hindouistes et musulmanes se sont senties menacées, des exodes massifs et souvent tragiques se sont produits. Les Chittagong Hill Tracts n’ont pas échappé à cette tragédie et de nombreux Jummas ont quitté leurs terres pour aller se réfugier en Inde ou en Birmanie.
Dès 1948, peu confiant dans la fidélité des forces de la police des Chittagong Hill Tracts au Pakistan, le gouvernement retire le droit acquis en 1881, sous l’Empire britannique, pour les « Peuples des collines » d’avoir leur propre force de maintien de l'ordre. Cependant, quand l’Inde et la Birmanie mettent en place une pression internationale pour obtenir que les réfugiés Jummas puissent retourner chez eux, le Pakistan cède et concède le retour au statut d’autonomie accordée en 1900. Cette situation sera ratifiée par la constitution de l'État Pakistanais en 1956.
Mais en 1957 commence la construction du barrage hydroélectrique de Kaptaï au cœur du district de Rangamati. Pour les « Peuples des collines », jusque là relativement autonomes, bien que sous domination de populations culturellement étrangères, la situation bascule.
2. Des peuples colonisés progressivement privés de leur territoire.
C’est en 1962 que le barrage de Kaptaï[6] est mis en eau submergeant plus de 1000 km² de terres jummas ce qui représente 40% des terres cultivables des Chittagong Hill Tracts. Cela provoque l’exode forcé des 100 000 habitants (18 000 familles) présents sur le site (un tiers de la population jumma à cette époque). La ville de Rangamati, engloutie, fut reconstruite sur les berges du lac de barrage. Les villageois expropriés furent peu ou pas du tout indemnisés. Un très grand nombre (40 000) choisirent l’exil et s’installèrent en Inde dans l’État de l’Arunachal Pradesh où, encore aujourd’hui, ils sont dans la situation sans statut et sans droit des apatrides. En 1964, le gouvernement du Pakistan traduit en droit ce que la construction du barrage avait déjà manifesté dans les faits et met fin, dans la constitution, au statut d’autonomie des Chittagong Hill Tracts.
Pour la deuxième fois, se produisait un événement décisif au terme duquel les populations jummas subissaient des choix imposés de l’extérieur. Intégrées contre leur gré dans un État qu’ils n’ont pas choisi en 1947, les voilà, sans réelles compensations, privées d’une part importante de leurs terres en raison de choix économiques extérieurs à leur région[7]. A chacun de ces épisodes, cela s’est traduit par un exode massif. Tout cela laisse des traces profondes dans la mémoire de ces peuples.
Un troisième épisode douloureux se produit avec l’accès du Bangladesh à l’indépendance en 1971. Jusqu’à cette date, Pakistan occidental et Pakistan Oriental formaient un État unique mais assez artificiel (1 000 km séparent les deux États). Le mécontentement grandit dans les années 1960 au sein des populations bengalis de l’aile orientale qui s’estiment victimes de discriminations politiques et linguistiques[8]. Les tensions aboutissent, en mars 1970, à une guerre au terme de laquelle, le 16 décembre 1971, le Bangladesh prend naissance.
Les populations autochtones des Chittagong Hill Tracts ne sortent pas indemnes de cet épisode. Une partie des Jummas autour du roi des Chakmas[9] prend fait et cause pour le Pakistan oriental. Plus tard, le seul Chakma élu au sein du nouveau parlement Manabendra Narayan Larma revendique la restauration du statut d’autonomie pour les Chittagong Hill Tracts sur la base du « Chittagong Hill Tracts Regulation act de 1900 ». Il demande aussi que soit mis fin à l’arrivée, dans la région, de populations qui lui sont étrangères. Cette démarche est perçue par le gouvernement du Bangladesh comme l’affirmation d’une volonté sécessionniste. Mujibur Rhaman lui oppose une fin de non recevoir. Outre que la constitution n'accorde pas de statut d'autonomie au Chittagong Hill Tracts, elle stipule également que les terres sont dans tout le Bangladesh régies par une loi commune et reconnaît le droit pour tout citoyen du pays de s'installer où bon lui semble. La méfiance grandit encore entre Bengalis et Jummas. Dès 1972, les troupes du Bangladesh se déploient au sein des Hill Tracts. Le 17 février 1972, Larma crée un parti politique le PCJSS[10] qui se dote d’une branche armée les Shanti Bahini[11].
La tension franchit un cran supplémentaire lorsque Mujibur Rahman est assassiné en 1975 lors d’un coup d’état militaire. L’armée est désormais aux commandes et le restera jusqu'en 1991. L’occupation militaire se renforce. En 1976, Manbendra Narayan Larma entre en clandestinité et engage en 1977 l’insurrection armée contre le gouvernement. Il bénéficie du soutien de l’Inde agacée du soutien qu’apporte le Bangladesh aux insurgés des États du nord-est de l’Inde[12].
Cette région de collines et de forêts est propice à la guérilla. La proximité des frontières indiennes ou birmanes permet aussi un repli aisé des combattants. En réaction et pour asseoir son autorité sur les Hill Tracts, le gouvernement du Bangladesh met en œuvre un plan de colonisation des terres de la région par des paysans sans terre bengalis venus du delta. 441000 colons[13] sont installés entre 1971 et 1982. L’armée invite ceux-ci à se doter de milices armées pour se protéger des Shanti Bahinis.
La région est alors plongée dans une longue période de violences (8500 victimes parmi les combattants, 2500 victimes civiles selon Amnesty International[14]) jusqu’aux accords de paix de 1997. Elle est interdite à tout étranger exception faite de quelques français venus prospecter la présence de gaz ou de pétrole. Les organisations internationales de défense des droits de l’homme dénoncent les nombreuses violations dont sont victimes les populations civiles des Chittagong Hill Tracts (massacres de masses, viols, tortures…). Des villages, des temples bouddhistes, des écoles sont brûlés. C’est le cas de l’ashram de Boalkhali d’où sont originaires une partie des 72 enfants arrivés en France en 1987[15]. Les cultures des Jummas sont pillées, les champs saccagés, les terres accaparées sous le regard souvent bienveillant de l’armée. Pour les « peuples des collines » l’insécurité est telle que la fuite semble la seule solution. Beaucoup d’entre eux, poursuivis par l’armée et souvent guidés par les Shantis Bahinis, franchissent la frontière indienne à l'est (40 000 dans le Mizoram en 1983) et à l’ouest (50 000 dans le Tripura en 1986).
Ces États de l’Inde fédérale appartiennent à cet ensemble des États du Nord-est de l’Inde qui connaissent de multiples troubles dans les deux dernières décennies du XX°siècle. En Assam, au Manipur, au Nagaland, au Mizoram, en Arunachal Pradesh comme dans le Tripura des rébellions sécessionnistes, parfois naxalistes se combinent avec des mouvements de réactions violentes face à l’afflux de réfugiés provoqué par cette instabilité[16]. C’est pourquoi, le Tripura en particulier s’oppose par la force à l’arrivée de ces nouveaux réfugiés et tente de les renvoyer chez eux. Par la suite, sous la contrainte internationale, il finira par se résoudre à accueillir une partie de ces réfugiés dans 5 camps (Takumbari, Karbuk, Silachari, Panchrampara, Lebachara).
Ces événements tragiques, s’ils sont dénoncés par quelques grandes ONG, restent largement ignorés ou parfois présentés comme une conséquence tragique du surpeuplement du Bangladesh comme le fait un article du New York Times du 26 octobre 1986. Le professeur Bernard Nietschmann, dans une réponse à l’auteur de l’article réfute cette présentation des faits en montrant que cette colonisation ne représentait qu’une infime part de l’excédent de population du Bangladesh (400 000 colons sur les 40 000 millions d’accroissement de la population depuis l'indépendance). Il présente cette colonisation comme un plan d’État mis en œuvre de manière violente pour mieux contrôler ce territoire, ses richesses et ses frontières[17].
Ce qui aggrave encore la situation des Jummas, c'est l'islamisation des institutions politiques. La première constitution du Bangladesh était fondé sur le principe de laïcité. Cette orientation était celle de Mujibur Rahman et de la ligue Awawi qui le soutenait. Mais en 1978, le général Zia ur Rahman crée son propre parti, le Bangladesh Nationalist Party[18]. (BNP). Il lève l'interdiction qui frappe les partis religieux islamistes depuis l'indépendance en raison de leur collaboration avec le Pakistan au moment de la guerre de 1971. Le général Ershad, qui en 1982 succéde au général Zia, poursuit la politique d'islamisation du régime et en 1988, l'Islam devient religion d'Etat, alors que les parti religieux comme le Jammat-e-Islamii[19] connaissent un essor sans précédent.
Autour des années 1990 le climat politique commence à changer. En 1990, sous la pression des pays donateurs et d'une large opposition, le général Ershad est contraint de démissionner, En 1991, le système parlementaire est rétabli et le premier ministre devient aussi ministre de la défense ce qui lui confère toute autorité sur les forces armées. Khaleda Zia[20] portée par une alliance autour du BNP dirige d'abord le gouvernement. Cependant, ces changements politiques n'expliquent pas seul l'évolution du contexte pour les « Peuples des collines »,
Dès la fin des années 80, un fort mouvement d'opinion, animé par des ONG ou porté par la presse en particulier indienne, dénonce l'attitude du Bangladesh. Déjà, en 89, le gouvernement Ershad propose un statut d'autonomie pour 3 districts des Chittagong Hill Tracts dans l'espoir de désarmer la guérilla, mais cela ne suffit pas à désamorcer le conflit. En 1990, le gouvernement autorise la venue d'une mission d'observation indépendante. Son rapport publié en 1991, met en évidence les très nombreuses violations des droits de l'homme dans les Chittagong Hill Tracts mais aussi dans les camps en Inde. Cette mission constate également des pratiques illégales très nombreuses de spoliations de terres à l'encontre des Jummas. L'Inde et le Bangladesh entament alors des pourparlers concernant le retour des réfugiés, réfugiés qui coûtent d'autant plus cher à l'Inde qu'elle refuse à ce propos toute aide étrangère. Le gouvernement de Khaleda Zia négocie aussi avec le PCJSS mais les négociations piétinent et les retours de réfugiés se font au compte goutte. Il faut attendre l'arrivée au pouvoir de Sheik Hasina[21] en juin 1996 à la tête de la ligue Awawi pour que le processus s'accélère et aboutisse à un accord de paix le 2 décembre 1997. Les réfugiés en grand nombre rentrent mais découvrent que leur maisons et leurs terres sont occupées. Ils sont alors, pour beaucoup logés, dans des habitats provisoires.
Cette guerre prend donc fin. Mais ces vingt années de violence laissent de lourdes traces. Elles se traduisent par l’aggravation du retard économique de la région. Les populations autochtones ont été victimes de spoliations foncières. Selon certaines estimations elles auraient affecté prés de 100 000 Jummas [22] d’autant plus facilement dépouillés de leur biens que les communautés villageoises ont toujours considéré leurs terres comme collectives [23]. Ajoutons à ce tableau une profonde modification de la démographie de la région compte tenu de l’exil de nombreux Jummas et de l’installation de nombreux (300 000 à 400 000 selon les sources) bengalis musulmans. Par ailleurs, l’armée a installé de nombreux camps sur les hauteurs pour surveiller le territoire. Les défrichements se sont multipliés et le paysage et les équilibres écologiques ont été profondément remaniés.
3. Des accords de paix en grande partie inappliqués : les jummas restent gravement menacés
L’accord de paix prévoit le retour des réfugiés et des mesures de compensation pour ceux qui, ayant abandonné leurs terres, s’en trouvent dépourvus. Il comprend le démantèlement des bases militaires. Il envisage la mise en place d'institutions autonomes et la fin de la colonisation par des populations extérieures.
L’accord a effectivement permis la création d’une nouvelle institution le Chittagong Hill Tracts Regional Council présidée par Shantu Larma[24]. Mais celle-ci reste cantonnée à un rôle mineur ce que déplore ses membres. Des domaines essentiels (gestion des terres et des forêts, police, ...) échappent à son contrôle. Enfin, les membres de cette institution sont désignés par le gouvernement et ne sont pas élus. Dans les faits, le pouvoir réel est entre les mains du Deputy Commissioner qui représente le gouvernement.
Pour le reste, il est patent que les dispositions de l’accord sont restées en grande partie lettre morte. Le gouvernement de Khaleda Zia qui succède à Sheik Hasina en 2001, puis le gouvernement militaire intérimaire qui lui succède en 2005 ont freiné la mise en application de cet accord. Lorsqu’à la suite des dernières élections, en 2008, Sheik Hassina est revenue au pouvoir, la ligue Awawi ayant promis d’appliquer pleinement les accords, les Jummas ont cru à un dénouement favorable. Force est de constater que, pour l’heure, il n’en est rien. La déception est grande. Dans une région toujours militarisée, (les forces de sécurité présentes sont encore estimées à 115 000 hommes[25] ) des flambées de violences entre les bengalis et peuples autochtones éclatent sporadiquement comme celles qui se sont produites les 16 et 17 février 2010.
En ce qui concerne les terres (selon l’ONG Hotline Human Rights Bangladesh), la Chittagong Hill Tracts Land Commission chargée de régler le problème foncier devait réaliser un plan cadastral après restitution des terres aux réfugiés de retour. Or, il n’en est rien. L’ONG accuse la commission de vouloir réaliser le plan cadastral avant même que les terres ne soient rendues aux réfugiés, protégeant de ce fait les acquisitions des colons bengalis. Selon des sources jummas 9 000 des 12 000 familles autochtones revenus d’Inde n’ont toujours pas récupéré leurs terres.
Pour ce qui est du retrait de l’armée, si l’on en croit le gouvernement, plus d’une centaine de camps militaires sur les 530 répertoriés en 1997 auraient été retirés. Selon l’ONG Hotline HRB, une trentaine de camps seulement sont démantelés. Cette ONG estime que le gouvernement souhaite l’application de ce point des accords de paix mais l’armée défendrait becs et ongles, ses propres intérêts[26] dans les Chittagong Hill Tracts.
Qui plus est, le 30 juin 2011, le parlement du Bangladesh a adopté à une large majorité le 15ème amendement de la constitution. Par cet amendement, le Bangladesh ne reconnaît plus les peuples Jummas comme « autochtones ». Seuls les termes Upajati (tribus), Khudra Jatisatta (minorités ethniques), Nrigosthi-sampradai (sectes et communautés ethniques) sont insérés dans la constitution. Alors qu’ils sont reconnus comme « peuples autochtones » par les Nations unies, Iqbal Ahmed, premier secrétaire de la Mission du Bangladesh à New York, a nié leur existence au Bangladesh, lors du 10° forum des indigènes à l’ONU en juin 2011.
D’autres éléments renforcent l’inquiétude des Jummas. Ainsi le fait que la constitution maintient le «Bismillah al-Rahman-Ar-Rahim » (Au nom d'Allah) dans son préambule et confirme l'Islam comme religion d'État. Ou encore le fait que la constitution ne reconnaisse qu’une nation, la nation bengalie.
Les Jummas deviennent donc des Bengalis et non plus des indigènes. En tant qu’indigènes, ils avaient des droits, une identité, des religions et des langues qui leurs étaient propres. La Déclaration des droits des autochtones, adoptées par l’ONU en septembre 2007, affirme effectivement que les peuples autochtones ont le droit à l'autodétermination interne et qu'en vertu de ce droit ils déterminent librement leur statut politique et recherchent librement leur développement économique, social et culturel. Elle stipule que les peuples autochtones ne peuvent être expulsés de leur terre et qu'ils ont droit aux ressources naturelles qui y sont situées. Ainsi, avec la nouvelle constitution, ils perdent un statut qui pouvait encore un peu les protéger.
Les Jummas continuent donc de vivre en grande insécurité dans un territoire qui fut le leur et dont ils se sentent progressivement mis à la marge. Lors des accords de paix de 1997, une minorité parmi les Shanti Bahini avait refusé la signature des accords et a tenté de poursuivre la lutte au sein de l’UDPF (United people’s democratic front). La non application des accords de paix et la modification récente de la constitution pourraient renforcer leur audience au sein de la communauté jumma. On observe à cet égard une division courante au sein des peuples opprimés entre ceux qui souhaitent obtenir par la négociation une amélioration substantielle de leur situation et ceux qui pensent que le recours à la lutte violente est la seule solution. L’application bien trop partielle des accords de paix favorise la seconde option et laisse prévoir un avenir bien sombre pour les peuples autochtones.
[1] BERNOT L. et BERNOT D., (1958) Les Khyang des collines de Chittagong, matériaux pour l'étude linguistique des Chin, Cahiers d'ethnologie, de géographie et de linguistique , PIon, Paris,148 p.
[2] DE BARROS J., Decadas da Asia (1552)
[3] Disposition renforcée en 1935 lorsque la région devient « Totally Excluded Area » et, de ce fait, interdite à tout étranger sans l’accord de l’administration locale.
[4] Rangamati est la capitale d’un des 3 districts des Chittagong Hill Tracts. A Bandarban, capitale du district sud, c’est le drapeau birman qui a été hissé.
[5] D’ultimes négociations ont eu lieu le 16 août. Le procès verbal montre que les représentants de l’Inde ont surtout argué du fait que les Chittagong Hill Tracts étaient peuplés à 97% de population non musulmane et qu’il s’agissait d’une région autonome au sein de l’ex-Bengale. Pour les représentants du Pakistan, cette région appartenait de fait au Bengale. De plus, il fallait un arrière pays au port de Chittagong. Enfin cette région était la seule du Bengale dotée d’un potentiel hydroélectrique.
[6] Derrière ce barrage s’étend ce qui a été un temps, avec ses 11 000 km², le plus grand lac artificiel d’Asie (Sibérie non comprise). Sa capacité de production est de 230MW
[7] Les Chittagong Hill Tracts ont d’ailleurs bénéficié plus tardivement que bien d’autres régions de l’électricité.
[8] La langue nationale est la langue Urdu qui est celle de la population majoritaire au Pakistan occidental.
[9] Raja Tridev Roy fut un des deux parlementaires non bengalis élus à l’assemblée nationale pakistanaise en 1970. Il deviendra ministre du tourisme du gouvernement présidé en 1988 par Benazir Butho puis ambassadeur du Pakistan en Argentine. Il vit encore aujourd'hui en exil au Pakistan.
[10] Parbattya Chattagram Jana Samhati Samiti (Parti populaire unifié des Chittagong Hill Tracts)
[11] Signifie armée de la paix en Chakma.
[12] Selon une source catholique cité dans le rapport de l’OFPRA, ils auraient eu aussi l’aide discrète du BNP et du Jammaat-e-Islami intéressés au maintien de la tension dans la région.
[13] DEBBARMA P.K. and GEORGE S.J., (1993), The Chakma refugees in Tripura, South Asian Publisher, New Delhi
[14] GAYER L. (2009), Mondes rebelles, Asie du sud, fondamentalismes, séparatisme, maoïsmes, Michalon, p.173
[15] SUDHANANDA, DAMIEN M., Orphelins de terre, collection vécu, Robert Laffont, 354 p.
[16] Le Bangladesh sert d’ailleurs de base arrière à un certains nombre de ces guérillas. GAYER L. op. cité p. 113
[17] On peut consulter cet article sur le site www.greenstone.org
[18] Dans un pays où la classe politique est gangrénée par la corruption, le clientélisme et l'usage de la violence, les orientations idéologiques sont vite estompées. A l'origine cependant, la ligue Awawi a des orientations plus socialistes, plus laïques et moins conservatrices que le BNP.
[19] Signifie parti islamique. Selon l'ONG Odhikar, ce parti a fait campagne, dans les années 90, pour que la Constitution soit remplacé par le Coran.
[20] Veuve du général Zia ur Rahman
[21] Elle est la fille de Mujibur Rahman
[22] Office Français pour la Protection des Réfugiés et des Apatrides (OFPRA), Rapport de mission en République populaire du Bangladesh – 2 au 16 novembre 2010 – p.127
[23] Les terres étaient traditionnellement confiées, par les chefs de villages, pour un temps donné, à une personne avant d’être donnée à une autre personne.
[24] Il s'agit ici de Shantu Larma, jeune frère de Mananembra Narayan Larma assassiné en 1982
[25] OFPRA, op. cité p 125
[26] Selon HRB « des officiers revendent du bois ou vendent au prix fort des autorisations à des hommes d’affaires voumlant faire commerce du bois ».